Si l’on pouvait s’attendre à une fable écologique teintée de thriller politique, Le Mal n'existe pas est bien un film de Ryūsuke Hamaguchi (Drive My Car, Contes du hasard et autres fantaisies). Sa caméra, toujours aussi douce et sinueuse, s’attarde avant tout sur des corps, pour une balade hypnotisante où les points de vue s’alternent et s’opposent.
Il y a quelque chose de génialement indicible dans le cinéma de Ryūsuke Hamaguchi. Qu’il s’agisse de ses inspirations rohmériennes, de la beauté lancinante de ses images ou de son amour du dialogue aux orées de la poésie, sa mise en scène hypnotise par sa sérénité. Même lorsqu’on ne sait rien de ses personnages, la concentration de la caméra sur leurs gestes quotidiens et leur expertise nous les ferait suivre jusqu’au bout du monde.
C’était déjà le cas dans Drive My Car et dans les différents sketchs de Contes du hasard et autres fantaisies, mais Le Mal n’existe pas va encore plus loin en nous plongeant d’entrée de jeu dans la plénitude du village de Mizubiki et de sa forêt resplendissante. Après un travelling zénithal renversant sur le ciel et les arbres, Takumi (Hitoshi Omika) est filmé en train de (longuement) couper du bois. Nous voilà dans la ritournelle, la répétition paisible du mouvement, qui semble conduire la vie de cet homme à tout faire, pilier de la communauté vivant seul avec sa fille Hana. Il y a là une souffrance enfouie, effacée par cette osmose avec la nature.